Catherine Cardon, interview de la doyenne de HAL

Interview réalisée par Maxence Larrieu en décembre 2020

En administrant son portail, l’équipe HAL UVSQ a observé une très forte activité venant d’une seule personne, Catherine Cardon. Lors d’un rendez-vous téléphonique ils se sont rapidement aperçu qu’il s’agissait d’un profil atypique : retraitée depuis plus de 10 ans et toujours en activité sur HAL. Ils réalisent cette interview pour lui rendre hommage.

Nuage de mots clés des 10 premiers contributeurs de HAL
identifiés comme personne (relevé en décembre 2020)

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Catherine Cardon, 77 ans, ancienne bibliothécaire-documentaliste au CNRS, à la retraite depuis 2005, et je continue à travailler quotidiennement à l’alimentation de HAL.

Quel est votre parcours ?

Après des études en Physique-Chimie à la faculté des sciences de Paris en 1966, j’ai intégré le Centre de Documentation Scientifique et Technique (CDST, le prédécesseur de l’Institut de l’Information Scientifique et Technique : INIST) en 1969. Suite au déménagement du CDST à Nancy en 1988, il a été proposé aux employés qui ne désiraient pas suivre le CDST de trouver un laboratoire pour les accueillir avec leur poste. J’ai été séduite par le Service d’aéronomie, un laboratoire du CNRS à l’origine de la recherche spatiale française, situé en plein bois de Verrières-le-Buisson qui me semblait un paradis pour la Parisienne que j’étais depuis plusieurs générations. J’ai ensuite passé le reste de ma carrière au Service d’aéronomie.

Localisation de Verrières-le-Buisson

L’ordinateur n’était pas encore démocratisé à cette époque, quels étaient vos outils de travail ?

Au CDST il était possible de consulter la base bibliographique Pascal (Base de Sciences exactes créée à partir du Bulletin Signalétique). Les premières recherches d’articles se faisaient en consultant les index des bulletins papier, puis la base fut informatisée et enregistrée sur d’énormes bobines magnétiques interrogeables au Centre de Calcul d’Orsay. Ensuite les requêtes ont pu se faire sur le lieu du CDST (Paris 20ᵉ) directement via un modem, la base étant accessible à partir de plusieurs serveurs de bases de données.

Au Service d’aéronomie j’interrogeais les bases de données sur le serveur DIALOG. La minute d’interrogation était excessivement chère, il fallait préparer soigneusement sa question avant de commencer. Je me rendais à la bibliothèque de la fac d’Orsay qui avait un compte chez Dialog avec quelques questions (qui étaient des demandes de chercheurs sur un thème, une méthode, etc.)  et revenais avec un listing de références. Et puis les liaisons sont devenues plus faciles, les bases de données se sont multipliées et les journaux ont numérisé leur contenu, les moteurs de recherche ont apporté leur aide.

Quel était votre travail au Service d’aéronomie ?

J’étais documentaliste et bibliothécaire. Mes fonctions se partageaient entre la gestion des abonnements, la fourniture de livres et de photocopies d’articles aux chercheurs, les recherches documentaires, et les imports dans HAL.

[note de l’intervieweur] Le Service d’aéronomie a fusionné en 2009 avec un autre laboratoire de recherche spatiale, le CETP, pour devenir le LATMOS. Le LATMOS est une UMR maintenant ayant 4 cotutelles : le CNRS, l’UVSQ, Sorbonne Université et l’Université Paris-Saclay. Il fait de plus partie de l’Institut Pierre Simon Laplace. En 2020 il regroupe environ 150 permanents (chercheurs, enseignants-chercheurs ingénieurs, techniciens et administratifs) et plus de 230 personnes au total. Dans HAL, on observe environ 200 publications annuelles dans les revues à comité de lecture, auxquelles il faut ajouter les références des communications dans les congres.

Depuis quand travaillez-vous sur les publications des chercheurs ?

Dès mon entrée au Service d’aéronomie (1988). J’ai commencé sans ordinateur. Il pouvait être demandé par le laboratoire ou par les chercheurs de fournir des listes bibliographiques (par exemple pour le rapport d’activité du laboratoire) et constituer cette liste était fastidieux sans les outils informatiques.

C’est alors que les bibliothèques s’équipant petit à petit d’ordinateurs, le CNRS a proposé un logiciel de base de données pour l’enregistrement des publications des chercheurs, nommé PUBLICNRS. Pendant des années je l’ai utilisé, mais malheureusement les données n’ont pas été basculées dans HAL à sa création, et PUBLICNRS a disparu avec ses données… dommage !

En quoi consiste votre travail sur HAL ?

Je dépose les références des publications des chercheurs et j’ajoute, lorsque l’éditeur l’autorise, les fichiers (la version soumise ou celle acceptée pour publication ou bien le fichier éditeur lorsque l’article est en accès ouvert). Je corrige également les erreurs des notices HAL où figure un ou plusieurs auteurs du LATMOS. Je possède aussi des droits dans AureHAL ce qui me permet de comparer les différentes formes des structures étrangères pour les fusionner et les valider après avoir consulté les documents qui y sont rattachés. Il y a en effet un gros problème au niveau de la multiplication des structures, car au départ il n’y avait pas de règles sur la façon de créer une structure. HAL a une mémoire et lors d’un dépôt les affiliations peuvent être automatiquement renseignées. Mais elles ne sont pas toujours vérifiées par les déposants. De plus les chercheurs changent de laboratoires au cours de leur carrière et les laboratoires peuvent également changer de noms et de tutelles. Ce qui complique. Petit à petit des règles d’écriture des affiliations sont apparues tant au niveau des éditeurs qu’au niveau des laboratoires.

Avec 15 années de travail sur HAL et plus de 5000 dépôts, vous êtes non seulement une des plus importantes contributrices mais surtout la doyenne de HAL

Combien de temps par jours ou semaine passez-vous à peu près à l’import dans HAL ?

Environ 2 à 3 heures par jour mais cela peut être plus suite aux nombreuses communications dans les congrès traitant des thèmes de recherche du laboratoire.

Qu’est-ce qui vous motive, alors que vous êtes à la retraite, de continuer à travailler sur HAL ?

Au début le travail sur les bases de données me plaisait et comme j’avais commencé à utiliser HAL à ses débuts, je désirais continuer, car le laisser me donnait l’impression d’un travail abandonné et non terminé. Par ailleurs, la personne qui m’a remplacée à la bibliothèque du LATMOS avait compris que le travail sur HAL m’intéressait, et, après accord du directeur, elle a eu la générosité de me laisser l’administration de HAL pour les publications du LATMOS. Les chercheurs me connaissent et me font confiance. Je suis contente de pouvoir les aider. D’un autre côté, j’avais besoin d’une occupation que je voulais utile, et HAL est devenue avec le temps un jeu.

Quels sont vos outils dans ce travail d’alimentation de HAL ?

J’aime bien Google Scholar, auquel je me suis inscrite pour être alertée lorsqu’un article parait avec une affiliation LATMOS. J’utilise également beaucoup la base Astrophysics Data System (ADS). ADS est une base de données en ligne de plus de huit millions de documents traitant d’astronomie et de physique. Je fais également des recherches directement sur les sites des éditeurs des journaux où les chercheurs du LATMOS publient le plus : Elsevier, Wiley, Copernicus …

On observe plus de 800 imports dans HAL pour 2020 ; avez-vous observé une hausse d’activité suite au Compte-Rendu Annuel d’Activité des Chercheurs CNRS (CRAC) ?

Oui, une nette hausse d’activité pour le LATMOS. Avec le CRAC certains chercheurs ont découvert HAL et d’autres ont vraiment commencé à s’y intéresser. Ils ont testé leur CRAC et s’étonnaient de ne pas y trouver la totalité de leurs publications. Heureusement, sous l’impulsion de la responsable HAL de l’Institut des Sciences de l’Univers (INSU), j’avais déjà commencé il y a quelques mois à ajouter aux dépôts déjà existants dans HAL le maximum de fichiers PDF. Il y a en effet de plus en plus d’articles en accès libre depuis le site de l’éditeur.

Communiquez-vous souvent avec les chercheurs ?

Un peu, trop peu. On échange par mail. Je n’arrête pas de les inciter à prendre le relais, mais bien souvent ils me répondent qu’ils n’ont pas le temps de se mettre à HAL. Je réclame souvent les fichiers (version acceptée qu’ils m’envoient assez vite quand ils les retrouvent).

Mes contacts avec les chercheurs sont presque amicaux, car j’ai passé de nombreuses années à m’intéresser à leur travail, ce qui facilite grandement les échanges.

Est-ce que les chercheurs s’étonnent de vous voir continuer à travailler sur HAL ?

Oui et ils ne manquent pas de m’en remercier régulièrement lorsqu’ils en ont l’occasion.

Pour finir, avez-vous des remarques sur l’accès ouvert ?

Son évolution est très rapide, l’accès aux textes de plus en plus facile et les chercheurs font de moins en moins appel aux bibliothécaires pour accéder à la version en ligne. Quel confort pour les chercheurs qui empilaient les photocopies que l’on demandait a l’INIST moyennant finances.

Aussi, comme le texte intégral est souvent en ligne, il n’y aura bientôt plus d’abonnements aux revues, alors on peut se demander qui paiera ?

Texte et images mis à disposition selon les termes de la licence CC-BY 4.0

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